samedi 8 janvier 2011

Orange

Qui dit temples dit moines. Comme beaucoup de monde, la première fois que j’ai entendu parler de Luang Prabang était en rapport avec la cérémonie des offrandes, cette procession des moines qui, chaque matin au lever du jour, viennent recevoir leur nourriture des habitants de la ville. Les femmes sortent devant leur maison avec le riz qu’elles ont préparé et attendent, agenouillées, la file indienne des moines qui acceptent en silence ces offrandes. Le cérémonial permet aux fidèles d’acquérir des "mérites", aux moines, souvent des jeunes en formation, de vivre de la générosité des habitants, enfin à l’ensemble de la communauté d’exprimer sa foi religieuse.

La cérémonie est tellement belle qu’elle est devenue une attraction touristique majeure qui la condamne pourtant à une mort quasiment inévitable. Malgré la campagne de sensibilisation visible dans tous les temples de la ville, les touristes ne peuvent s’empêcher de se mêler stupidement au cérémonial au lieu de se contenter de l’observer avec discrétion. Madame s’assied bêtement aux côtés des fidèles pour donner du mauvais riz qu’elle a préalablement acheté à des marchands sans scrupule, tandis que monsieur court dans tous les sens pour prendre la photo souvenir en envoyant des flashs dans les yeux des pauvres moines. En définitive, assister à ce rituel aujourd’hui n’éveille qu’un sentiment de honte devant tant d’indécence.

Le pompon revient sans doute aux touristes japonais, toujours adeptes des photos "en situation". D’après ce qu’on m’a rapporté, ils n’hésitent pas à emboîter le pas des moines pour être photographiés en train de recevoir les offrandes. Demander l’aumône à l’une des populations les plus pauvres de la planète alors que vous venez de l’une des plus riches est en effet une idée lumineuse qu’il serait dommage de ne pas immortaliser.

Bref, pas de photos de la cérémonie des offrandes que j’ai d’ailleurs évitée avant qu’elle ne commence vraiment. J’ai en revanche discuté à plusieurs reprises avec des moines, par exemple lors de ma visite de Wat That Luang, où un jeune novice lycéen m’a détaillé dans un anglais hésitant son emploi du jour quotidien:

Après un réveil vers 3h30-4h du matin, sa journée commence par une séance de prières, suivie d’une séance de méditation, puis de la cérémonie des offrandes vers 6h. Retour au temple pour manger la nourriture recueillie. École le matin et l’après-midi, suivie d’une nouvelle séance de prières vers 17h. Enfin des cours supplémentaires d’anglais sont dispensés le soir par des expatriés vivant à Luang Prabang.

Il s’intéresse aussi à ce que je fais. Le courant passe bien. La compréhension interculturelle atteint néanmoins ses limites lorsque je lui explique que je suis un Suisse vivant en France. Il me dit ne pas comprendre comment c’est possible, car il suit régulièrement l’actualité du monde sur Internet et la Suisse lui semble "good more than France".











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